Un coucher de soleil – Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Un coucher de soleil

Sur la côte d’un beau pays,
Par delà les flots Pacifiques,
Deux hauts palmiers épanouis
Bercent leurs palmes magnifiques.

À leur ombre, tel qu’un Nabab
Qui, vers midi, rêve et repose,
Dort un grand tigre du Pendj-Ab,
Allongé sur le sable rose ;

Et, le long des fûts lumineux,
Comme au paradis des genèses,
Deux serpents enroulent leurs noeuds
Dans une spirale de braises.

Auprès, un golfe de satin,
Où le feuillage se reflète,
Baigne un vieux palais byzantin
De brique rouge et violette.

Puis, des cygnes noirs, par milliers,
L’aile ouverte au vent qui s’y joue,
Ourlent, au bas des escaliers,
L’eau diaphane avec leur proue.

L’horizon est immense et pur ;
À peine voit-on, aux cieux calmes,
Descendre et monter dans l’azur
La palpitation des palmes.

Mais voici qu’au couchant vermeil
L’oiseau Rok s’enlève, écarlate :
Dans son bec il tient le soleil,
Et des foudres dans chaque patte.

Sur le poitrail du vieil oiseau,
Qui fume, pétille et s’embrase,
L’astre coule et fait un ruisseau
Couleur d’or, d’ambre et de topaze.

Niagara resplendissant,
Ce fleuve s’écroule aux nuées,
Et rejaillit en y laissant
Des écumes d’éclairs trouées.

Soudain le géant Orion,
Ou quelque sagittaire antique,
Du côté du septentrion
Dresse sa stature athlétique.

Le Chasseur tend son arc de fer
Tout rouge au sortir de la forge,
Et, faisant un pas sur la mer,
Transperce le Rok à la gorge.

D’un coup d’aile l’oiseau sanglant
S’enfonce à travers l’étendue ;
Et le soleil tombe en brûlant,
Et brise sa masse éperdue.

Alors des volutes de feu
Dévorent d’immenses prairies,
S’élancent, et, du zénith bleu,
Pleuvent en flots de pierreries.

Sur la face du ciel mouvant
Gisent de flamboyants décombres ;
Un dernier jet exhale au vent
Des tourbillons de pourpre et d’ombres ;

Et, se dilantant par bonds lourds,
Muette, sinistre, profonde,
La nuit traîne son noirs velours
Sur la solitude du monde

Charles-Marie LECONTE DE LISLE   (1818-1894)

Nuit de neige – Guy de Maupassant.

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.

Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter.

Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde,
Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ;
Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.

Le crépitement du feu de la cheminée.

Ce feu qui crépite

J’écoute le marché Persan,
Cette belle musique de Khatchatourian,
Dans ce salon, près du foyer,
Où nous écoutons cette musique enchantée,
Après ce bon dîner
Que ma mère nous a concocté.

J’aime garder ce souvenir en tête,
C’est pour moi, une grande fête !
Nous jouons au tarot
Dans ce salon, près du piano.
Le feu crépite et me réchauffe le cœur,
Je ne pense plus à mes soucis de l’heure.

Je m’enivre dans des paroles banales,
Ainsi mes souffrances ne sont pas décelables !
C’est ce que je pense,
Mais mon père est inquiet.
Je n’ose lui confier mes souffrances,
Je ne veux pas qu’il s’inquiète à outrance.

Je ferme ce jardin secret,
Personne n’y a accès.
Je joue un personnage,
Je m’en veux et c’est dommage!
Je reste isolée, je n’ose lui parler,
Tout va bien Papa!
Ne t’inquiète pas

Maïté Raynal